"Du haut de ces pyramides, vingt siècles nous contemplent !"
Nous sommes tombés sur des traces de civilisations très anciennes qui se sont épanouies sur la côte péruvienne.
Peu après 50 av. J.C., les Moche dominaient la région à partir de la vallée Chicama.
Sur le site del Brujo, autrefois un centre important d'activités chamaniques et druidesques, la Señora de Cao a régné en maîtresse sur ce peuple de guerriers et de pêcheurs.
En plus de son joli nez, elle devait avoir un sale caractère puisqu'on a retrouvé sur son corps enduit de cinabre, des tatouages d'araignées et de serpents, et qu'elle assistait à l'éxécution des prisonniers lors des batailles rituelles.
À défaut d'un grand banquet convivial, les sacrifices se faisaient en musique et au milieu des danseurs en l'honneur de la pachamama et de son bras armé, el Degoviador...
Pour les chercheurs ce fut une grande surprise de découvrir un gouvernant de sexe féminin à la tête d'une société que l'on pensait exclusivement patriarcale.
Cette culture s'est transformée au fil des années pour donner naissance aux Lambayeque ou Sicán, vers 700 ap.J.C. Comme leurs prédécesseurs, leur religion et leurs mythes fondateurs étaient étroitement liés au monde marin. Leur premier chef Naylamp ("oiseau de mer") serait arrivé depuis l'océan après une grande traversée, légende largement racontée par les hauts-reliefs et les céramiques de l'époque.
À Túcume, le centre politique des Lambayeque, se trouve la plus grosse pyramide en briques de terre crue du monde. La République française en finance en partie les fouilles mais si notre tout petit président voyait les Corses qu'il paye pour faire ces travaux...
"Vous en faites pas, les gars... On a des années pour finir ce boulot, et en plus on ne bosse que la nuit !"
Pendant la visite nous sommes tombés sur ce drôle d'oiseau : la lechuza de los arenales.
Des 26 pyramides qui entourent Túcume, nous en avons apprtoché deux qui se trouvaient au coeur du bosque de Pómac (voir l'épisode précédent).
Certaines abritent des tombes et d'autres des temples. Chez ce peuple de bâtisseurs, une des manières de payer l'impôt était d'offrir des briques marquées du sceau de leur communauté d'origine (traces de doigts, de pieds, de pattes de lamas,...).
Les Lambayeque n'ont résisté à l'envahisseur Chimú que jusqu'en 1375.
Depuis leur capitale Chan Chan, la plus grosse ville au monde construite en terre, les Chimú auraient été contraints d'étendre leur territoire à cause d'une vieille coutume voulant que la famille du gouvernant défunt continue d'encaisser le tribut versé par les communautés vaincues de son vivant.
Le nouveau gouverneur devait donc soumettre d'autres peuples pour s'enrichir et les forçait à se déplacer avec des cadeaux jusqu'à son palais où il retenait prisonnières leurs idoles.
Les Chimú avait la lune pour dieu principal, car elle est présente le jour comme la nuit, et qu'elle influence les marées et donc la pêche. Le soleil ne pouvait être un dieu puissant puisque chaque soir la mer faisait couler son sang...
Tous les hauts et bas-reliefs nous révèlent l'importance du monde marin dans l'imaginaire Chimú : les murs creux représentant les mailles du filet de pêche, les mois lunaires, les courants marins, les 14 types de graphismes de pélican (oiseau sacré car il guide les pêcheurs vers le poisson)...
N'en déplaise à Obélix, les glouglous étaient moins bien considérés !
Par contre Idéfix se serait fait un pote : l'Institut National de la Culture recommande à chaque site archéologique d'avoir son specimen de chien pelé péruvien en voie d'extinction !
Si Chan Chan est si grande et si bien conservée, c'est qu'il fallait un nouveau temple à chaque gouvernant et que les murs sont antisismiques.
À ajouter à leur génie, ils savaient trouver les rivières souterraines et les nappes phréatiques (il existe 50 puits dans la ville).
Les grands personnages Chimú, même une fois morts, restaient présents. On sortait régulièrement les momies pour faire la fête avec elles, ce qui était l'occasion de leur sacrifier de nouvelles personnes dont elles pourraient avoir besoin dans l'au-delà. Les Chimú en effet n'avaient peur ni que le ciel leur tombe sur la tête, ni de donner leur vie aux dieux.
On a retrouvé jusqu'à 500 corps autour d'une seule tombe royale...
En 1470 les Incas victorieux anéantirent leur culture avant d'être eux-mêmes défaits par les Conquistadores en 1532 mais ça, c'est une autre histoire...
"Ils sont fous, ces catholiques romains !"